Jamais sorti, le Sega VR a pourtant été en développement pendant des années chez Sega of America. Il a été annoncé en 1991, marketé, testé par le public et avait une date de sortie prévue pour 1994. Tout ça pour être annulé l'année de sa sortie. Pourquoi Sega aurait-il fait ça ?
Les années 1990: L'introduction de la réalité virtuelle dans le jeu vidéo.
Il y a peu de temps, l'Oculus Rift et le HTC Vive sont sortis. Ils permettent tous les deux de jouer à de la réalité virtuelle chez soi grâce à la technologie de pointe qu'ils embarquent: affichage stéréoscopique, son surround, reconnaissance de mouvement ...Mais quelques privilégiés ont déjà pu tester ce qui aurait pu être le premier vrai casque VR grand public en 1993, lors du salon CES sous la forme du Sega VR.
Comme j'en parlais dans mon article sur les Mario méconnus et la Satellaview, le online était présent dans le jeu vidéo bien avant la Dreamcast. Et bien la VR était également là avant le Virtual Boy.
La VR existe depuis longtemps dans la recherche. Le Sword of Damocles en 1968 est considéré comme le premier casque de réalité virtuelle. Le casque avait été développé par le chercheur Ivan Sutherland à MIT. Dans son article A head-mounted three dimensional display, il expliquait déjà les principes de 3D et de reconnaissance de mouvements. Pour l'anecdote, le casque était tellement lourd qu'il était accroché au plafond, d'où son nom. Pour rappel, l'Odyssey de Magnavox, la première console de jeu vidéo de l'histoire et Pong sont sorties 4 ans plus tard. Avant le jeu vidéo, un acteur majeur des casques de réalité virtuelle a également été la NASA.
Pour ce qui est du jeu vidéo, les premiers casques sont apparus en arcade. En effet, leur coût étant très élevé, seul un établissement spécialisé pouvait se les permettre.
Virtuality a été un des premiers casques pour salle d'arcade. Etant sortie en 1991 pour 60 000$ (+ de 100 000$ en 2016 avec l'inflation) par W Industries, il avait été jugé comme très accessible financièrement par ses contemporains. Vision stéréoscopique, détection de mouvement, manette à une main et même son surround, micro et jeu multijoueur en réseau, tout y était. Pour référence, Street Fighter 2 est sorti en arcade la même année. A ce moment là, les curieux étaient prêt à payer 5$ pour tester la VR dans des magasins ou des salles d'arcades. C'était 20 fois plus cher que jouer à une partie de Street Fighter 2 qui coutait encore que 25 cents. Street Fighter 2: Champion Edition coutera 50 cents la partie.
Un autre pionnier a été le casque VictorMaxx. Il s'agit d'undes premiers casques de VR pour consoles de salon qui se branchait sur SNES et Megadrive. Il est sorti en 1993 uniquement aux US. Vu qu'aucun jeu est sorti spécifiquement pour le système, l'affichage était comparable à celui de la télévision et les directions gauche et droite étaient associés aux mouvements de la tête.
Le Sega VR qui nous intéresse icia été annoncé en 1991. Il a été annulé entre sa dernière présentation au CES d'hiver 1993 (en février) et sa date de sortie prévue pour printemps 1994.
Enfin, le Virtual Boy de Nintendo a été annoncé en 1994 et est sorti en 1995.
On peut également considérer comme précurseurs les lunettes 3D Famicom 3D System et SegaScope 3-D Glasses pour NES et Master System respectivement, ainsi que le Power Glove de Mattel.
Les promesses du Sega VR
Parmi les promesses de Sega, on trouve:
- se branche à la Genesis (nom de la Megadrive aux US)
- en dessous de 200$
- son stéréo à effet "surround"
- détection de mouvement
- affichage couleur LCD
- 4 jeux exclusifs dès la sortie + un portage de Virtua Racing - casque léger, peu être porté sur la tête sans faire mal à la nuque
Des articles de magazines et une présentation en 1993 au CES d'été sont disponibles à ce sujet sur internet. Un seul jeu a été montré pendant cette présentation. Il s'agit d'un jeu de shoot dans l'espace qui serait un des 4 jeux exclusifs. Ce jeu de shoot est Nuclear Rush et a été développé pendant 1 an par les équipes de Sega.
La VR chez Sega et Nintendo
Afin de se lancer dans la VR, Sega of America a rencontré plusieurs sociétés déjà établies. L'une d'elle était Reflection Technology, Inc.. Il s'agit de la société derrière le projet de casque Private Eye. Ce projet existait depuis 1985 et était focalisé sur l'économie d'énergie afin de pouvoir être utiliser avec des piles. L'inconvénient majeur du projet est que l'écran était bicolore. Après l'avoir testé, Sega trouva que le casque provoquait des nausées et qu'il serait difficile à vendre sachant que Sega vendait la Game Gear en mettant en valeur son affichage couleur par rapport au Game Boy. Après avoir été refusé par Hasbro, Mattel et Sega, Nintendo décide d'investir dans le projet Private Eye. L'aspect bicolore, portatif et l'autonomie de l'appareil rentraient pour le coup dans la politique commerciale de Nintendo après le succès des Game & Watch et du Game Boy. Au fil du développement, le casque de Nintendo perda vite de son intérêt au prêt de ses concepteurs quand il perda son aspect portatif et ses capteurs de mouvement pour se retrouver sur trépied. Ce changement peut être attribuer aux nombreuses craintes pour la santé des joueurs (ondes provoquées par les composants, casque trop lourd, mal aux yeux ...).
Entre temps, Sega a misé sur la société IDEO pour développer son casque de réalité virtuelle. Comme dit précédemment, 5 jeux ont été prévus dessus. Parmi eux, Nuclear Rush semble être le seul qui fut vraiment abouti.
Pourquoi Sega a-t'il annulé son projet ?
Le développement rencontrait beaucoup de difficulté. La technologie n'était pas encore rodée. Au moment de son annulation, Sega déclara que les jeux étaient tellement réaliste que les joueurs se blesseraient en jouant.
Tom Kalinske, alors patron de Sega, réctifiera des années plus tard en avouant que ses équipes n'arrivaient pas à résoudre les problèmes de nausées dû à la difficulté de synchroniser les graphismes aux mouvements de la tête.
L'héritage du Sega VR
En 1994, la société IDEO se retrouvera en charge de la manette de la Sega Saturn. La même année, Virtual I/O annonca qu'ils offriraient des casques de réalité virtuelle à tous les inscrits au service Sega Channel, sans suivre leurs engagements par la suite. La technologie du Sega VR sera quand à elle utilisé dans quelques bornes d'arcade de la firme.
Nintendo aurait accéléré le développement du Virtual Boy pour concurrencer Sega. Atari avait quant à lui lancé le développement du mort-né Atari Jaguar VR en collaboration avec Virtuality pour concurrencer Nintendo. Le Virtual Boy fut un échec considérable pour Nintendo et signa l'arrêt des tentatives de l'industrie du JV dans la réalité virtuelle pendant 20 ans, jusqu'à l'Oculus VR. Il y a eu évidemment quelques exceptions comme le casque de réalité virtuelle pour PS2 développé par Sony, le PUD-J5A, sorti uniquement au japon et jouable avec un seul jeu.
Pour la petite anecdote, le Sega Activator, un précurseur du Kinect de Microsoft fut annoncé au même CES de 1993 dans lequel Sega montrait son Sega VR. Le magazine Joypad (numéro 17) avait fait sa couverture sur le Sega VR et évoquait également le Sega CD et le Sega Activator dans son article. A ce moment là, AHL avait entendu que le nom du casque était le Virtua Sega.